Association de la guerre électronique de l’armée de terre
Le suivi de la bataille de la Marne par les écoutes secrètes françaises - journée du 13 septembre 1914
13 septembre 2013.
Face à la poussée des forces alliées, tout le front allemand a pris les dispositions pour « encaisser » le choc.
A l’ouest, Von KLUCK rend compte de son organisation défensive au nord de l’Aisne :
« 1° armée attend attaque au Nord de l’Aisne sur les hauteurs entre Attichy et Condé. Aile droite 9° CA renforcée 14° brigade de réserve et 10° brigade Landwehr, centre 4° CA et 4° Corps de réserve. Aile gauche 2° CA entre Soissons et Condé. 4° DC sur les arrières, 2° CC aile gauche ».
A l’est, la IV° armée a, quant à elle, choisi une défense en deux temps selon l’attitude de l’ennemi :
« 4° armée se maintien sur position du 12 entre Suippes et Sainte-Menehould pour y attendre attaque ennemie si elle se produit. Sinon repli sur la ligne Souain, Binarville. L’ennemi suit l’armée en forces importantes en face de sa droite, plus faible contre sa gauche ».
La seconde ligne évoquée constitue un recul supplémentaire de plus de 15 kilomètres en moyenne.
Ce choix fait réagir le Commandement Suprême :
« Il est indispensable que la 4° armée se rallie aux ailes des armées voisines. Signé Moltke ».
Au centre, la III° armée se trouve sur la ligne prescrite. Mais elle aussi fait le choix d’un repli supplémentaire d’environ 5 kilomètres afin de mieux préparer sa défense :
« 3° armée occupe position Thuisy, Suippes avec infanterie et forte artillerie. Gros se portent plus en arrière pour occuper nouvelle position, la gauche à Souain. QGA Bétheniville ».
Visiblement, la crainte d’une attaque majeure dans son secteur ne semble plus d’actualité au vu de ces mesures.
En milieu de matinée, une nouvelle menace se fait jour pour la I° armée comme l’indique ce compte rendu de la 4° DC :
« Cavalerie ennemie a passé l’Oise vers Ribécourt et au Sud-Est de Bailly »
Préoccupé, à cette heure avancée, de n’avoir pas encore subi de réelle attaque sur son front, Von KLUCK sollicite le 1° CC pour obtenir des renseignements sur l’arrivée des forces ennemies :
« Devant front de la 1° armée il n’y a encore eu aucune colonne d’infanterie. Seules des fractions d’infanterie ont franchi l’Aisne au Nord-Est de VIC. On signale artillerie en marche de Coeuvres vers Vic. Il est désirable que cavalerie éclaire de suite en avant de l’aile gauche »
Vers la fin de la matinée, le paysage s’anime en particulier sur son aile gauche comme le rapporte le 2° CC :
« patrouilles 2° DC et 9° DC signalent forces importantes en marche vers Bourg et Oeuilly (sur l’Aisne Nord de Fismes) »
Et le 1° CC de confirmer :
« Deux colonnes ennemies de toutes armes descendent dans la vallée de l’Aisne en face de Bourg, la cavalerie ennemie a déjà pris pied sur la rive droite de l’Aisne ».
Visiblement, le choc va se produire entre les I° et II° armées, là où le dispositif est le plus faible (rappelons-le, seule la 13° DI est en place dans la région de Braine et Fismes, le 7° CA étant plus près à l’est de Reims).
Von BÜLOW réagit immédiatement face à cette menace en donnant des ordres à la 1° armée et à la cavalerie de la Garde :
« Attaque cavalerie et aile gauche 1° armée instamment désirée ».
Mais une bonne nouvelle arrive à point. Le 2° CC rend compte de l’arrivée des éléments de tête du 7° corps de réserve antérieurement laissé devant Maubeuge qui s’est rendue le 8 septembre dernier. Ce corps est rattaché à la nouvelle 7° armée en cours de constitution et d’acheminement sur le front de l’ouest.
« 7° Corps de réserve atteint Braye-en-Laonnois à midi avec tête 13° division réserve et Cerny-en-Laonnois vers 13h00 avec 14° division de réserve ».
Face à la situation difficile à laquelle il est confronté en ce tout début d’après-midi, Von KLUCK est prompt à solliciter, auprès du Commandement Suprême et de la II° armée, l’engagement de ce corps :
« Urgent appeler 7° corps de réserve pour engagement aile gauche. 1° armée est attaquée par ennemi très fort sur tout son front Attichy-Condé. Positions conservées, mais impossible exécuter attaque aile gauche. Où en est transport de la 7° armée ? »
La situation de la I° armée semble maîtrisée sur son aile droite, mais la zone médiane avec sa voisine connaît une évolution particulièrement inquiétante :
« Ennemi engagé des forces importantes dont une partie a franchi l’Aisne. Les 4° CA et 9° CA ont contre-attaqué pour les rejeter sur l’autre rive. Mais de fortes colonnes sont signalées sur aile gauche à Bourg, Oeuilly et Craonne ».
Peu de temps après, malgré les efforts entrepris, Von KLUCK rend compte à Von BÜLOW que sa droite cède en partie :
« Sous forte pression ennemie, repli aile droite sur ligne Nampcel, Nouvron, Cuffies, Vailly ».
En début de soirée, l’arrivée d’une nouvelle unité de la 7° armée dans la zone de la 1° armée est annoncée. La 7° division de cavalerie atteint Noyon (Nord de Compiègne) :
« 7° DC le 14 matin vers Noyon pour couvrir le flanc droit 1° armée et opérer contre cavalerie ennemie ».
Dans la nuit, Von BÜLOW insiste auprès de la I° armée pour que celle-ci contribue à boucher la brèche entre les I° et II° armées :
« 1° armée se maintenir le 14 sur positions en étendant sa gauche jusqu’à hauteur de Fismes ».
Et Von KLUCK d’en appeler au Commandement Suprême via la II° armée :
« Prière transmettre au CDT Suprême. La 1° armée a maintenu le 13 ses positions au nord de l’Aisne. Des forces ennemies importantes marchent à l’attaque sur Soissons et Vic. Le flanc droit de l’armée est replié pour se couvrir du côté de Compiègne d’où l’ennemi débouche. Des fractions de la I° armée exécuteront demain contre-attaque. Le 7° Corps de réserve se joindra-t-il à cette attaque à l’Est de Vailly ? ».
Côté des alliés, la 6° armée est aspirée dans son combat contre la I° armée sur l’Aisne délaissant quelque peu la manœuvre d’enveloppement par l’ouest désirée par JOFFRE.
Les Anglais font effort sur Soissons et plus à l’est en liaison avec la cavalerie française du Corps Conneau et de la 5° armée.
La 5° armée est en charge de l’action principale pour exploiter la faiblesse du dispositif entre les I° et II° armées allemandes. Là aussi, les espoirs de JOFFRE ne sont pas totalement exaucés, car FRANCHET d’ESPERAY semble assez préoccupé par l’organisation de son entrée dans Reims libérée.
Les 9° et 4° armées pressent l’ennemi, mais sans aller jusqu’à obtenir des gains décisifs.
La 3° armée ne s’engage qu’insuffisamment dans la poursuite de la V° armée allemande d’autant qu’un problème de commandement est à l’origine de l’absence de la remontée du renseignement. Cette carence amène JOFFRE à demander une enquête de commandement au Général SARRAIL jugeant inacceptable que ce dernier soit tenu dans l’ignorance de la retraite de l’ennemi pendant 48 heures.
Toutefois, cette journée reste marquée par la percée alliée réalisée entre les I° et II° armées. Mais jusqu’où sera-t-elle exploitée ?
A suivre demain ...
J-M D